Compagnie des écrivains de Tarn-et-Garonne

ETUDE - VICTOR HUGO

Victor HUGO


I) Sa vie

Victor Hugo est né le 26 février 1802 à Besançon dans une famille de deux enfants, Abel et Eugène, nés respectivement en 1798 et 1800. Son père Léopold officier dans l’armée et sa mère Sophie Trébuchet, d’origine vendéenne, se séparèrent peu après sa naissance, Mme Hugo ayant un amant, le général Fanneau de Lahorie. Celui-ci fut le parrain et un des précepteurs du petit Victor mais il fut fusillé en octobre 1812, soupçonné d’être impliqué dans un complot contre l’empereur. Les enfants Hugo furent ballotés entre Sophie, restée à Paris, et Léopold dont les affectations se succédèrent : Corse, Ile d’Elbe, Naples, Espagne. Victor Hugo commence très tôt à écrire des vers et en juillet 1816 aurait noté sur un carnet : « Je veux être Chateaubriand ou rien. » Ses poèmes lui valurent d’être primé aux Jeux Floraux de Toulouse à l’âge de 15 ans, d’avoir l’estime des milieux littéraires et une pension de Louis XVIII. Il affiche des idées catholiques et monarchiques. Sa destinée s’emballe à la mort de sa mère en 1821 et en 1822 (il a 20 ans). Il épouse une amie d’enfance, Adèle Foucher, malgré les réticences du père de la jeune fille qui hésitait à donner sa fille à un jeune homme sans le sou. Vigny fut son témoin à la cérémonie. S’enchaînent alors les naissances dans le couple : Léopold, le 16 juillet 1823, qui meurt la même année, Léopoldine, le 28 juillet 1824), Charles, le 4 novembre1826, François-Victor, le 28 octobre 1828, Adèle, le 28 juillet1830.
Poète, romancier, homme de théâtre, Hugo devient le chef de file du courant romantique. Se pressent alors chez lui les Mérimée, Lamartine, Musset, Delacroix, Sainte-Beuve. Il triomphe dans le théâtre et la littérature, mais parallèlement vit des déceptions du côté de sa femme qui le trompe avec Sainte-Beuve et des drames comme la mort de sa fille Léopoldine, en 1843, au cours d’une traversée en barque sur la Seine.
En 1851 Hugo se dresse contre Louis Napoléon Bonaparte qu’il avait d’abord soutenu et s’exile après le coup d’État du 2 décembre. Réfugié politique, il part d’abord à Bruxelles puis à Jersey, enfin Guernesey où il achète la "masure" de Hauteville House. Proscrit, il devient pour toute l’Europe le symbole de la liberté combattante. Pendant cette période il écrit beaucoup et termine Les Misérables. Son exil va s’achever avec le retour de la République. Il est élu député en février 1871 et devient un patriarche des banquets démocratiques. Il s’occupe beaucoup de ses petits enfants tout en continuant d’écrire. Dans la nuit du 27 au 28 juin 1878, il a une congestion cérébrale, mais continue à publier. En 1812, 600 000 personnes fêtent ses 80 ans et l’avenue d’Eylau est rebaptisée avenue Victor-Hugo. En 1883 il pleure la mort de Juliette Drouet, sa fidèle maîtresse, sa femme Adèle étant morte en 1868. En 1885 arrive son tour de quitter la scène. Le 22 mai, il a droit à des funérailles nationales alors qu’il avait demandé d’être enterré comme un pauvre. ll est enseveli au Panthéon le 1er juin au milieu d’une foule immense.


II) Hugo et la politique

Installé bien à droite au début du siècle, Victor Hugo quitte la scène quatre-vingts ans plus tard en incarnant la plus pure des gauches républicaines. Il sera tour à tour le jeune poète prodige soutien exalté de la Monarchie sous Louis XVIII et Charles X. La Monarchie de Juillet lui fait franchir le pas de la politique active. Louis Philippe le nomma pair de France. Après la révolution de 1848 il s’engage plus avant. D’abord partisan de Louis Napoléon Bonaparte, il soutient sa candidature à l’élection présidentielle, mais le coup d’État de 1851 le voit devenir au prix d’un interminable exil l’adversaire le plus résolu de celui qu’il appelle « Napoléon le Petit » et du Second Empire. Après la défaite de 1870 il revient en France auréolé d’une gloire immense et se transforme en icône de la République.

III) Hugo et les femmes

De la même façon qu’il fut royaliste avant de devenir républicain Hugo fut chaste et fleur bleue avant de développer une addiction sexuelle toujours plus incontrôlable, de devenir selon l’écrivain Patrick Tudoret « un satyre ». Vu leur grand nombre (admiratrices, domestiques, prostituées, actrices), nous ne citerons que ses relations féminines les plus remarquables :

1) Adèle FOUCHER qui restera sa seule épouse et décèdera dans ses bras, d’une crise d’apoplexie en 1868 à Bruxelles. Elle était une amie d’enfance qu’il épousera en 1822 après 3 ans de chastes fiançailles. Assez froide, sans ambition, elle se montrait indifférente aux succès littéraires de son mari d’autant plus qu’elle se sentait fatiguée par cinq grossesses rapprochées. Après la dernière naissance elle se détacha de lui et prit Sainte-Beuve comme amant. Se sentant doublement trahi, Hugo se consola auprès de l’actrice Juliette Drouet.
2) Juliette DROUET (1806-1883) est une actrice sans beaucoup de talent, ancienne maîtresse du sculpteur Jacques Pradier dont elle a une fille Claire. D’une beauté émouvante elle séduit bien des hommes dont Hugo qu’elle rencontre en 1833. Elle abandonne bientôt sa carrière théâtrale pour se consacrer à son amant qui exige d’elle une vie cloîtrée et monacale. La liaison devient notoire et attire les foudres d’Adèle qui plus tard se rapprochera d’elle, l’invitera à sa table et devenue aveugle lui demandera de lui faire la lecture. En fait Adèle a transmis le témoin à Juliette avant de s’éteindre, laquelle deviendra très proche des enfants et des petits enfants Hugo. Il faut insister sur sa fidélité au grand homme qu’elle suivra toujours dans ses exils en se logeant à proximité. Elle mourut le 11 mai 1883 à son domicile parisien du 124 avenue Victor-Hugo.
3) Léonie BIARD (1820-1879) romancière, dramaturge, exploratrice. Elle eut avec Hugo une liaison de sept ans marquée d’un constat d’adultère (à la demande du mari) qui ne s’interrompra qu’avec l’exil du poète.
4) Blanche LANVIN femme de chambre de Guernesey est une de ses dernières passions. Il la rencontre en 1870 alors qu’elle avait seulement 21 ans et lui presque 70. Malgré  la colère de Juliette, leur relation durera neuf ans, jusqu’au mariage de la jeune femme.
Hugo est dans tous les domaines de la démesure. Héros littéraire il fut également notre Éros des alcôves.

IV) Hugo et son œuvre

Poésie, romans, Victor Hugo a touché à tous les genres avec le souci de les renouveler, avant de devenir au fil du temps le grand écrivain officiel. Des Misérables à tous ses autres livres incontournables, essayons de faire le tour de son œuvre gigantesque.
1) Les Misérables est le « principal sommet » de son œuvre. À la parution, en 1862, le succès est immédiat. Hugo se trouve alors en exil. Il a mis dix-sept ans à rédiger ce roman, commencé sous un autre titre : « Les Misères ». Il a réalisé là une vaste fresque historique, sociale et humaine, dans laquelle les destins personnels des personnages s’entrecroisent avec les forces de la société et les mouvements de l’histoire. Le roman compte 365 chapitres répartis en cinq parties portant pour quatre d’entre elles le nom d’un des protagonistes : Fantine, Cosette, Marius, Jean Valjean. Hugo se fait le chantre des pauvres qui connaissent la misère, le chômage. Il dénonce l’appareil judiciaire, la peine de mort, veut amender la société par la réforme des âmes.
2) Les incontournables
a) Les Orientales (1829) qui, parmi quarante poèmes, recèle de purs chefsd’œuvre comme « Les Djinns », « Clair de lune ».
b) Notre-Dame de Paris (1831) roman où la perspective historique, le travail de documentation, la parabole politique et le savoir-faire romanesque sont impressionnants de maîtrise littéraire.
c) Claude Gueux (1834) : inspiré par un fait divers, ce récit est aussi bref qu’engagé, à la fois tableau de la misère et magnifique leçon de civisme, vibrant réquisitoire contre la peine de mort.
d) Ruy Blas (1838) : drame romantique en cinq actes
e) Napoléon le Petit (1852) : pamphlet acide contre la personne et le milieu de Napoléon III.
f) Les Contemplations (1856) : 158 poèmes en un recueil du souvenir, de l’amour, de la joie mais aussi de la mort, du deuil et d’une certaine foi mystique. S’y trouve le poème dédié à sa fille Léopoldine : « Demain dès l’aube… »
g) Les travailleurs de la mer (1864) : roman dédié aux îles anglo-normandes qui l’ont accueilli durant son exil. Un grand livre souvent ignoré, pourtant habité par la magie de l’écriture.
h) L’homme qui rit (1869) : boudé par le public à sa parution, il est l’une des sources les plus déroutantes de V. Hugo C’est un roman historique, philosophique et politique situé en Angleterre. C’est un chef-d’œuvre original.
i) Quatre-vingt-treize (1874) : ultime roman de V. Hugo, magistral. Il a été publié à titre posthume et a pour toile de fond les plus terribles années de la Révolution française. Il nous décrit la Vendée en armes.
j) Choses vues (1887) : c’est un recueil de notes et de mémoires de l’auteur publié à titre posthume en 1887 et 1900. V. Hugo y relate les événements survenus au cours de sa vie, par exemple la mort de Talleyrand, le transfert des cendres de Napoléon III ou l’avènement de la Troisième République.

V) Hugo et la poésie

En quatre-vingt-trois ans d’existence Hugo a écrit 153 837 vers soit une moyenne de 6 vers par jour. C’est par la poésie qu’il est entré en littérature avec, à l’âge de 19 ans, le recueil Odes qui lui vaut d’être repéré par Louis XVIII. Au cours des six années suivantes il compose des Ballades. C’est avec Les Orientales qu’il obtiendra la gloire. Il y défend le peuple grec opprimé par les Turcs. Son exil, vingt-deux ans plus tard, lui donne l’occasion d’écrire Les Châtiments, recueil d’abord publié en contrebande qui paraît en France en 1870 et obtient un immense succès. Entre 1846 et 1855 sont publiées Les Contemplations (158 poèmes), livre organisé en deux parties : « Autrefois » et « Aujourd’hui ». Dans ce recueil Hugo exprime la nature et l’amour sous forme de poèmes brefs, mais c’est aussi une œuvre de nostalgie et en particulier du souvenir de Léopoldine. Écrite par intermittence entre 1855 et 1876, La légende des siècles est une œuvre monumentale destinée à dépeindre l’histoire et l’évolution de l’humanité ; elle est l’œuvre d’un exilé et on y trouve le poème célèbre « La conscience ». En 1877 paraît L’art d’être grand-père dédié à ses petits enfants, Georges et Jeanne, dont il a la charge après la mort d’Adèle en 1868, et de son fils Charles en 1817. Ce recueil qui compte vingt-sept poèmes sera sa dernière œuvre.

VI) Hugo et le théâtre

Le théâtre fut pour Hugo un sport de combat, de ses premières pièces qu’il n’arrivait pas à monter à ses dernières œuvres très sociales. Il a commencé à écrire pour lui, pour son plaisir : à sept ans il imagine des saynètes pour son théâtre de marionnettes ; à dix ans il a déjà signé deux mélodrames, à quatorze-ans deux tragédies et un vaudeville. À dix-huit ans il présente Inez de Castro au théâtre du Panorama dramatique. La pièce est acceptée mais pas montée. Même déception avec Any Robsar qui va attendre six ans sur une étagère du théâtre de l’Odéon avant d’y être jouée en 1828. En 1827 il publie Cromwell. Démesurée, (6920 vers) cette pièce est injouable, mais sa préface provoque un coup de tonnerre, car à tout juste vingtcinq ans, Hugo y envoie balader la règle des trois unités qui corsète le théâtre classique (il ne conserve que l’unité d’action). Il préconise un "drame romantique" où tout peut se côtoyer, le sublime et le grotesque, le prosaïque et le merveilleux. Le 25 février 1830 a lieu la première d’Hernani. La salle de la Comédie française est coupée en deux : au parterre les partisans de 
Hugo, au balcon les néoclassiques. Les applaudissements l’emportent et, avec eux, le 7 Romantisme. Dans la foulée de cette victoire Hugo écrit Le Roi s’amuse, Lucrèce Borgia, Marie Tudor, Ruy Blas, Marion Delorme, Les Burgraves en 1843. Cette année-là, il est laminé par la mort de sa fille Léopoldine, occupé par ses fonctions de député et pair de France. Il délaisse le théâtre durant quelques années. Pendant son exil de dix-sept ans ses pièces seront interdites de représentation mais s’arracheront à son retour avant de connaître un long purgatoire après sa mort. Finalement il finira par reprendre sa place de géant sur les scènes françaises de Jean Vilar à Antoine Vitez puis de Laurent Pelly à David Bobée. En 2030 on fêtera les deux cents ans de la bataille d’Hernani.
Conclusion : Victor Hugo n’a pas fini de faire parler de lui, tant il a marqué le XIXe siècle et notre littérature. Doté d’un égo surdimensionné il voulait dévorer la vie mais aussi y laisser son empreinte par la création et l’engagement. Il demeure éternel grâce aux multiples adaptations 
de son œuvre au cinéma, en dessin animé ou sous forme de comédie musicale et n’a jamais perdu le jeune public. Dans les écoles françaises il reste la référence. 
De nombreux écrivains se revendiquent encore de lui comme Sylvain Tesson, François-Henri Desérable, Alain Mabanckou, Christian Signol et tant d’autres. Tous les académiciens ne sont pas immortels, lui si.


Andrée CHABROL-VACQUIER