Compagnie des écrivains de Tarn-et-Garonne

Etude : Best-sellers & long-sellers

Best-sellers et long-sellers

            d’après l’ouvrage de Frédéric Rouvillois : Une histoire des best-sellers (Flammarion 2011)

I Comment définir best-seller et long-seller ?

Le mot « best-seller » est utilisé pour la 1ère fois en 1889 aux U.S.A., puis se diffuse dans l’Empire britannique et, au lendemain de la Grande Guerre, dans le reste du monde. Il signifie littéralement « celui qui vend le plus ». Il qualifie des livres qui rencontrent un grand succès pendant des mois, des années parfois, devenant alors des « long-sellers ».

Le phénomène qu’il représente (succès en littérature en un très bref laps de temps) existe depuis l’invention de l’imprimerie. Au commencement était… la Bible. Tous les classiques sont concernés à commencer par les œuvres de Shakespeare, devant Agatha Christie et Mao Zedong. L’écrivain Marc Lévy a été désigné comme étant le romancier français vivant le plus lu dans le monde. Ses 14 romans (un par an) traduits en 48 langues se sont arrachés à 30 millions d’exemplaires ! Le 15 avril paraîtra son 15ème roman.

Le « best-seller » n’est pas forcément lu ; c’est ce que les Anglo-Saxons appellent un « hype book », un livre qu’il faut acheter pour être dans le coup. Le long-seller est un « buzz book », celui que tout le monde apprécie.

 

II Ce qui caractérise les « best-sellers »

  1. un grand nombre d’exemplaires vendus : ils ne sont pas toujours lus et les chiffres sont trompeurs, car parfois truqués volontairement pour diverses raisons :

    a. les détruire : ainsi, en 1867, une part importante du succès de La vie de Jésus, d’E. Renan, aurait été due aux pires ennemis de celui-ci, les curés de Paris qui voulaient éviter la damnation éternelle aux lecteurs,

    b. créer un véritable phénomène : c’est le cas de La case de l’oncle Tom, de Harriet Beecher-Stowe, avec l’éditeur John Jewet qui surévalue le chiffre de vente comme l’avait fait, en 1832, Charles Gosselin avec La peau de chagrin, de Balzac, et le feront d’autres éditeurs : Bernard Grasset, en 1920, avec Maria Chapdelaine, de Louis Hamon, puis Le Diable au corps, de Raymond Radiguet, qui passera subitement de la 52ème à la 83ème édition !,

    c. allécher la critique et exciter le public : dans ce cas, on exhume un « best-seller » oublié en exagérant les chiffres de vente. C’est ce qui se passa pour Maurice Debroka (1825-1873) avec La Madone des sleepings ‘1925), Mon cœur au ralenti, La gondole aux chimères. Ce succès irrita la critique sérieuse traitant ces ouvrages de « livres fumeux et lamentables ». Trois quarts de siècle plus tard, l’effet grossissant de l’éloignement et de la nostalgie fait de M. Debroka « l’écrivain le plus vendu de tous les temps ».Traduits en 75 langues, ses livres se sont vendus par dizaines de millions, comme la Bible ou l’œuvre de Shakespeare. Pour son biographe, M. Debroka serait « le créateur du best-seller » ; maintenant, cette œuvre désuète est tombée dans l’oubli mais il est assez vraisemblable que M. Debroka n’a pas vendu plus de 1 ou 2% des 90 millions d’exemplaires qu’on lui prête.

  2. Le fait d’avoir un succès immédiat, tardif ou éphémère

  1. immédiat : ce succès immédiat est presque toujours préfabriqué. Toutefois, citons le pseudo-miracle des Méditations, de Lamartine, parues en mars 1820, chez un éditeur obscur, sous la forme d’un petit opuscule de 24 poèmes sans nom d’auteur. Dès le lendemain de la mise en vente, ce fut la ruée et l’attention des grands hommes du moment, y compris du roi. Il faut remonter au Cid, assure Jean d’Ormesson, pour trouver pareil engouement (7 éditions en un an), mais ce lancement était préparé par le fait que Lamartine était la coqueluche des salons. Le même phénomène se produit avec les « serial best-sellers » apparus massivement dès 1970. Ils ont pour auteurs : Mary Higgins Clark, Ken Follet, Stephen King, Daniele Steel (auteur le plus lu et le plus populaire au monde), etc. qui enchaînent les succès. Aujourd’hui, tout cela se confirme avec les « méga best-sellers », comme les Harry Potter.

  2. tardif : l’éclosion se fait alors après quelques années ou décennies. Elle est la conséquence, soit d’un changement de statut de l’auteur (Mein Kampf après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, Le fil de l’eau du Général de Gaulle, écrit vers 1930, Les Poèmes barbares après la Libération et l’élection de Leconte de Lisle à l’Académie française),

  3. éphémère : la majorité des « best-sellers » se périme vite. Avec 75 titres, Danièle Steel est l’auteur contemporain le plus lu et le plus populaire mais connaît maintenant la chute, car tous ses livres se ressemblent. Les séries résistent mieux, de même que Stephen King qui donne le sentiment de construire une œuvre. Nous pouvons nous demander si la péremption atteindra les aventures de Harry Potter ou de Robert Langdon, le héros de Dan Brown.

     

    III Comment se fait un « best-seller » ?

  1. par volonté de réussir coûte que coûte, en utilisant des techniques de production, des recettes qui ont fait leurs preuves jusqu’au sacrifice de sa propre personnalité. Ainsi on montre la vie en rose, comme Barbara Cartland ou les éditions Harlequin. On utilise toujours le même canevas comme Dan Brown, l’un des plus gros producteurs de « best-sellers » vivants avec 1000 coups de théâtre, un « happy end » total. Katherine Pancol qui est l’une des plus grosses vendeuses de livres en France et a été traduite dans une vingtaine de langues, notamment aux U.S.A. l’an dernier, a sa recette : des personnages banals, des titres accrocheurs et bizarres (Les yeux jaunes des crocodiles, La valse lente des tortues, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi), une écriture simple, dialoguée et surtout un concept commercial redoutable : elle se transforme en « romancière de proximité », demande aux lecteurs de dialoguer avec elle par blog interposé (« blablablog »), organise des concours sur son site, invite des lecteurs à passer une journée avec elle sur le tournage des films adaptés de ses romans, va même jusqu’à réunir 250 lecteurs pour un pique-nique au Bois de Boulogne.

    Il s’agit de se faire un public captif, tenu en haleine par des publications nombreuses et répétées : 4 livres par an pour Frédéric Dard, 3 pour Danièle Steel, 1 toujours fin août pour Nathalie Nothomb. Cette volonté ne suffit pas toutefois pour prolonger la réussite. C’est le cas de Jules Verne qui, après avoir été universellement célèbre durant 25 ans avec le Tour du monde en 80 jours, Cinq semaines en ballon, lasse ensuite son public. De même, Scott Fitzerald, encensé pour L’envers du Paradis, boudé ensuite avec Gatsby le magnifique et autres ouvrages, a retrouvé la popularité à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

  2. en trichant 

  1. en volant les idées des confrères : ainsi un groupe ami, semble-t-il, de Lope de Vega, écrit un second tome à Don Quichotte que Cervantès tardait à produire,

  2. en faisant travailler des nègres : Alexandre Dumas en avait plusieurs (Marquet, Augier, Fiorentino, Vacquerie), de même que Jules Verne à la fin de sa vie (il utilisait notamment son fils), ou Paul-Loup Sulitzer (son nègre était Loup Durand) qui a signé un chapelet de « best-sellers » dépassant souvent le million d’exemplaires. Ce dernier cas a été révélé, en 1987, par Pierre Assouline, directeur du magazine Lire, sur un plateau d’ « Apostrophes », l’émission de Bernard Pivot et le scandale a fait sensation, Sulitzer venant d’être décoré par le ministère de la Culture.

  3. en plagiant : à la fin des années 1980, Régine Desforges a été accusée par les héritiers d’Autant en emporte le vent, de s’être inspirée dans les cent premières pages de sa Bicyclette bleue, de l’œuvre de Margaret Mitchell. La justice l’a disculpée et le livre a été vendu à plus de 6 millions d’exemplaires. En 1999, Alain Minc est accusé d’avoir plagié Spinoza en ayant puisé dans un livre d’un professeur de philosophie bordelais et il a été lourdement condamné.

  4. en pratiquant l’imposture, la tromperie, portant tantôt sur l’identité de l’auteur, tantôt sur la véracité des faits, tantôt sur les deux. Les exemples sont nombreux : L’horloge des princes, l’un des plus grands « best-sellers » du XVIème siècle, est un faux d’un moine franciscain espagnol, Antonio de Gueva ra, pour une autobiographie de l’empereur Marc-Aurèle. Au XVIIIème siècle, faux également, des Poèmes d’Ossian, par un précepteur de 26 ans, James Macpherson, prétendant donner une traduction de l’ancien gaélique de l’ouvrage rédigé au IIIème siècle par Ossian, fils du roi Fingal. Le succès fut énorme, international, puis controversé, mais la mode demeure et le soi-disant traducteur est mort en pleine gloire. En 1969, Henri Charrière rencontra un succès énorme avec Papillon, vendu en France à 2 millions d’exemplaires, sur un total de 11 millions dont la moitié aux U.S.A.. Ce livre fut contesté par Gérard de Villiers dans Papillon épinglé, montrant un assemblage de faits glanés ici ou là, ou imaginaires pour rendre le récit poignant, spectaculaire et attirer le client.

 

3.  en ayant un bon éditeur : Jusque vers le milieu du XIXème, l’éditeur est un libraire ou un imprimeur, et semble spectateur, peu concerné par les livres qu’il publie. A partir de la Monarchie de juillet, les choses changent peu à peu et les éditeurs deviennent audacieux :

 

  1. ils cherchent à baisser le prix des livres, comme Gervais Charpentier qui produit ainsi une vraie révolution, obtient un grand succès avec La physiologie du goût, de Brillat-Savarin, Eugénie Grandet et La physiologie du mariage, de Balzac. D’autres éditeurs suivent : Victor Lecou, Lavigne et, début du Second Empire, Louis Hachette, Michel Lévy et, au XXème, Fayard, Calmann-Lévy qui publie Pêcheur d’Islande, de Pierre Loti.

  2. ils inventent la « réclame », c’est-à-dire la publicité.

  3. certains sont faiseurs de « best-sellers », Grasset, le premier, déploie talent et dévouement « pour mener un livre a            u succès », comme Maria Chapdelaine, de Louis Hémon, en échec jusque là. Il emploie un budget publicitaire considérable, harcèle la presse, multiplie affiches et placards dans les journaux, exagère les ventes annoncées. Ainsi, en forçant le destin, il enchaîne les réussites : Climats, d’André Maurois, Le diable au corps, de Raymond Radiguet, etc. D’autres éditeurs le suivent, comme Albin Michel. La méthode employée est la suivante :

  1. faire connaître : c’est le lancement du livre de façon médiatique ou en s’appuyant sur un élément objectif. Par exemple, Grasset, pour lancer les Bestiaires, d’Henry de Montherlant, a loué le Vel d’Hiv’ afin que l’auteur y donne, durant l’entracte d’une course de vaches landaises, une conférence sur « le culte du taureau à travers les âges ». Pour Louis Hémon, il a insisté sur la mort de l’auteur au fin fond du Canada, dans des circonstances tragiques et mystérieuses. Pour Radiguet, il a mis en valeur que l’auteur avait écrit Le diable au corps à l’âge de 16 ans, puis était mort d’une typhoïde à 20 ans. Aujourd’hui, on met en valeur les « feel good books » (livres qui font du bien) avec Indignez-vous, de Stéphane Hessel, Petite Poucette, de Michel Serres, Un été avec Montaigne, d’Antoine Compagnon, Le sel de la vie et Le goût des mots, de Françoise Héritier. Selon Frédéric Rouvillois, c’est « une littérature de confort, un paracétamol, intellectuel ».

  2. faire acheter : la création du « Livre de poche », vers 1930, aux U.S.A., en Allemagne, Grande-Bretagne, puis en 1953, chez nous, avec Koenigsmark, de Pierre Benoît, a été un bon moteur. Thérèse Desqueyroux, qui avait été vendu à sa sortie, en 1927, à 30 000 exemplaires, dépasse ainsi les 2 millions en 1982. Les dents de la mer, de Peter Benchley, paraît en poche en février 1975 et deviendra un « best-seller » (9 millions d’exemplaires avant la fin de l’année). Plus près de nous, le prix Goncourt 2012, Le sermon sur la chute de Rome, de Jérôme Ferrarri, a été publié en poche, un an après la parution grand format et son éditeur, Babel (Actes Sud), a dû, dès la mi-septembre, lancer une deuxième impression, après une première à hauteur de 100 000 exemplaires.

    Certains éditeurs emploient les techniques les plus sophistiquées, comme les éditions XO, créées en 2000, par Bernard Fixot, ancien dirigeant chez Robert Laffont. Il n’édite que 15 ou 20 livres par an afin de faire du sur-mesure, calibre la narration, fait du « marketing » tonitruant, utilise un « packaging » chatoyant, veille sur tout, investit jusqu’à 9% du chiffre d’affaires pour la « réclame ». Ainsi, pour le lancement de la nouvelle série de Christian Jacq, La pierre de lumière, il organise luxueusement un voyage promotionnel pour 130 personnes au pied des Pyramides. En 2002, Fixot occupe la 2ème place au palmarès des éditeurs et sa petite entreprise est devenue « une incroyable fabrique » de « best-sellers. En 2004, il publie pour la 1ère fois Guillaume Musso qui devient locomotive de sa maison (1 livre par an). En 2001, son site internet affirmait qu’au bout de 10 ans, sur 152 titres publiés, 130 avaient figuré sur les listes des meilleures ventes et 109 avaient été largement vendus à l’international.

  3. faire savoir : les U.S.A. commencent à établir « la liste des meilleures ventes », en 1985, ce qui viendra en Europe après la Seconde Guerre. En France, c’est L’Express, de J.-J. Servan-Schreiber, qui commence le premier, en avril 1955. « L’annonce du succès développe le succès », paraît-il, mais cela ne correspond pas toujours à la valeur des livres.

    L’éditeur se révèle parfois un bourreau quand il sort un livre du néant pour en faire un « best-seller » aux dépens de l’auteur. Théophile Gautier a été séquestré par Charpentier pour l’obliger à achever son manuscrit. D’autres éditeurs harcèlent les retardataires. Boris Pasternak a eu son roman Le docteur Jivago censuré en Russie, mais l’ouvrage a été obtenu malhonnêtement de l’auteur par l’éditeur italien Feltrinelli, publié avec un succès énorme en novembre 1957, couronné par le Nobel sur proposition d’Albert Camus, fustigé par la Russie. Pasternak s’est vu enlever sa qualité d’écrivain soviétique, menacé d’exil et mourra en 1960.

  4. en étant victime de la censure : en 1947, Boris Vian était un auteur presque inconnu dont les romans n’avaient aucun succès. Il propose à un ami éditeur en demande de « best-sellers » de lui en écrire un. Ce sera J’irai cracher sur vos tombes que Vian signera d’un nom inventé : Vernon Sullivan. Après une plainte d’une ligue de vertu contre le livre qui démarre mollement et un procès retentissant, le triomphe arrive avec 600 000 exemplaires vendus. Il en a été de même pour Diderot avec L’Encyclopédie et Voltaire avec Candide, Les lettres persanes, de Montesquieu, Le contrat social et L’Emile, de Diderot, le poète Béranger au XIXème, L’amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence (mort pauvre en 1930 et célèbre en 1960, bien qu’écrivain mineur), Madame Bovary, de Flaubert, Lolita de Nabokov, Le tropisme du Capricorne, d’Henry Miller, Histoire d’O, paru chez Pauvert, ou encore Les versets sataniques, de Salman Rushdie,

  5. en étant accompagné de la sortie d’un film, ce qui se manifeste dès le début du XXème siècle, avec le cas James Bond (nombreux livres de Fleming), Autant en emporte le vent ou Le docteur Jivago. Tous les n° 1 de la liste des « best-sellers » américains ont été adaptés au cinéma sauf trois. Toutefois, certains romans célèbres ne sont pas adaptés comme, par exemple, La carte et le territoire, de Michel Houellebecq, prix Goncourt 2010, ou sont des échecs au cinéma : Les particules élémentaires, La possibilité d’une île. De toute façon, en cas de succès du film, ce dernier finit par l’emporter dans la mémoire collective sur le livre correspondant. Il fait exploser les ventes du roman ; cela s’est réalisé pour Le parrain de Mario Puzo, déjà « best-seller ».

  6. en ayant l’appui d’émissions littéraires à la télévision : « Apostrophes », puis « Bouillon de culture » avec Bernard Pivot, « La grande librairie » avec François Busnel, où l’on peut discourir entre auteurs et être interviewé. Citons Les gens de Mogador, d’Elizabeth Barbier, ou Au bon beurre de Jean Dutourd, devenus ainsi des « best-sellers ».

     

    IV Pourquoi achète-t-on des « best-sellers » ?

  1. par obligation :

    1. pour obtenir son salut, ou assurer ses convictions religieuses (par exemple avec la Bible, n° 1 des « best-sellers », ou les livres du culte tels que le Coran (« best-seller » n° 3)

      ou ses convictions politiques avec par exemple Mein Kampf, Le Petit Livre rouge...

    2. pour assurer sa réussite sociale, scolaire ou personnelle : les livres scolaires ou pour s’instruire. En Chine, Le Petit Livre rouge est considéré comme un manuel d’éducation. En France, citons Le tour de la France par deux enfants, de G. Bruno, les « best-sellers d’Hachette : Bescherelle, A. Colin, Bordas, avec le Lagarde et Michard (2ème moitié du XXème siècle).

  1. pour paraître, en s’intéressant à la nourriture (par exemple : au XVIème siècle, Gargantua, de Rabelais ; en 1838, la Physiologie du goût, de Brillat-Savarin) ou au culte du corps : à partir du XXème siècle, on compte les calories, on désire maigrir. En 1968, trois livres de régime se hissent parmi les 10 meilleures ventes, notamment le Weight Watchers Cook Book,, de Jean Nidetch. Ensuite, citons La Diet Révolution, du docteur Atkins, en 1972, Je mange donc je maigris, de Michel Montignac, en 1986, Je ne sais pas maigrir, de Pierre Dukan, en 2000.

  2. pour faire comme les autres. Bernard Grasset disait : « C’est par snobisme que les choses ont commencé. » La faveur de la Cour ou des salons détermine, au XVIIème siècle, le succès des Précieuses, au XVIIIème, celui de Voltaire et de L’Encyclopédie, au XIXème celui du jeune Lamartine, et au début du XXème , la vogue d’un Cocteau ou d’un Paul Valéry. Les livres achetés par panurgisme ne sont pas forcément lus.

  3. Parce que le livre a été primé : par les jurys Goncourt, Femina, Renaudot, Pulitzer ou autres. Ce ne sont pas toujours les meilleurs livres ; une belle exception cette année avec Au-revoir là-haut, de Pierre Lemaître.

  4. Pour trouver un certain confort :

      1. se distraire avec des livres accessibles, tel La première gorgée de bière, de Philippe Delerm,

      2. se confronter avec la mort, la violence, l’aventure, l’étrange, le « suspense ». Aux XVème et XVIème , on lit les romans de chevalerie : Don Quichotte, Les Voyages de Gulliver, Robinson Crusoë, plus tard, La case de l’oncle Tom, Ben Hur. Au XIXème, s’imposent le roman policier avec Edgar Poe et ses Histoires extraordinaires, le western : Le dernier des Mohicans, puis la littérature de guerre : Le grand cirque (1948), de Pierre Clostermann, Mémoires de guerre du général de Gaulle, la littérature d’espionnage : L’espion qui venait du froid (1968), de John Le Carré, le fantastique, la science-fiction, la littérature d’horreur avec Hoffmann, Mary Shelley, Bram Stoker et son Dracula, Stephen King, Dan Brown, Paolo Coelho, J.-K. Rowling, les romans d’amour, les romances sentimentales avec Guillaume Musso, Marc Levy, ou Sur la route de Madison, de Robert Waller.

      3. se rassurer :

        * en faisant de pieuses lectures, pour se tourner vers Dieu, avec par exemple, L’introduction à la vie dévote, de François de Sales, au début du XVIIème, L’Ange conducteur du jésuite Coret, en 1683, L’imitation de Jésus-Christ, entre 1683 et 1687, le « catéchisme historique », de l’abbé Fleury (1679), Les paroles d’un croyant, de Lamennais, en 1840, The Robe (La Tunique), de Lloyd Douglas (1942) et « The Big Fisherman, de Douglas, toujours consacré à saint Pierre.

         

        * en lisant des livres permettant de se reconnaître :

        le martyr : La case de l’oncle Tom, Mes prisons, de Silvio Pollico

        le bienfaisant (souvent médecin) : Corps et âmes, de Maxence Van der Meersch, Les hommes en blanc, d’André Soubiran, La citadelle, de Cronin, Le livre de San Michele (1929) d’Axel Munthe

        le rebelle : Indignez-vous, de Stéphane Hessel (2010)

        le sauveur : Profiles In Courage, de John Fitzgerald Kennedy, L’audace d’espérer (2006), de Barack Obama.

         

        Conclusion : Comme le disait Gaston Gallimard, vers la fin de sa carrière : « On ne sait jamais rien du sort d’un livre. ». Malgré les qualités de l’ouvrage, le talent de l’auteur, les efforts de l’éditeur, les relais médiatiques, subsiste toujours un impondérable, une part de mystère échappant à l’explication rationnelle. Jean d’Ormesson était promis par Julliard à un triomphe à la Sagan ; pourtant, ses premières œuvres ne marchent pas et il devra attendre les parutions d’Au revoir et merci et surtout La gloire de l’Empire. De même, Robert Sabatier, auteur d’une monumentale Histoire de la poésie française, trouvera le succès avec Les allumettes suédoises, ouvrage qui deviendra un « best-seller ». Certains « best-sellers » sont nés par miracle !

        . miracle de la découverte : Autant en emporte le vent a été publié par hasard et sans conviction par Margaret Mitchell, poussée par une amie et un éditeur à sortir d’un tiroir des feuillets entassés depuis plusieurs années. Suite française, d’Irène Nemirovsky, et La conjuration, de John Kennedy Toole, refusé par les éditeurs qui poussèrent ainsi l’écrivain au suicide conduisirent à des succès posthumes.

        . miracle de la rencontre, entre un auteur et un éditeur (M. Mitchell),

        . miracle de "l’air du temps" : c’est le cas de Voyage au bout de la nuit, de Céline, en phase avec les turbulences des années 1925, de Bonjour tristesse, de Françoise Sagan, en 1953, ou "Les souffrances du jeune Werther", de Goethe, en 1774, L’Amant, de Marguerite Duras, en 1984, Le coffret de Noël, de Richard Paul Evans, en 1995, écrit en six semaines, vendu à huit millions d’exemplaires.

        . miracle de la transgression des lois du genre :

                    . trop petit, trop modeste : en 1935, le lancement d’une collection de livres haut de gamme en format de poche, au prix de 6 pence en Grande-Bretagne, par Allen Lane laisse sceptique et trouve la gloire avec les textes d’Ernest Hemingway, d’André Maurois, d’Agatha Christie.

                    . trop gros : contrairement aux théories selon lesquelles le roman policier inventé au XIXème, doit être bref, Stieg Larsson rencontre un succès immense en 2012 (50 millions d’exemplaires vendus) avec un ouvrage de 3000 pages : Millenium.

                    . trop difficile : en 1980, Umberto Ecco publie, en 1980, avec un succès retentissant, un livre hors du commun : Au nom de la rose, qui traite un sujet inhabituel, avec beaucoup d’érudition, des passages en latin, vieux français, moyen allemand.

        « Rien de meilleur, qu’un livre devenu obligatoire » affirmait Céline devant le succès du Voyage au bout de la nuit. Ce jugement ne se dément pas. C’est ainsi qu’un « best-seller » devient un « long-seller » comme Don Quichotte, Le Cid, Candide, Robinson Crusoë, Les Misérables, La Peste, Le petit Prince. Il aura fallu malgré tout trois siècles pour que Shakespeare devienne l’auteur le plus lu au monde, l’homme qui a vendu quatre milliards d’exemplaires.

        N.B. : Le pamphlet Crise au Sarkozistan, de Daniel Schneidermann, est devenu récemment le 1er « best-seller » d’internet avec 21000 ventes à ce jour. Il est imprimé à la demande, à Cahors et Orthez, par notre fidèle imprimeur Jean-Paul Lafont.

 

 

 

Andrée-Chabrol-Vacquier (à suivre)